L’Estaca : Chanson de Résistance Catalane

L’Estaca : Chanson de Résistance Catalane

❝ Si tu l’estires fort per aquí,

I jo l’estiro fort per allà,

Segur que tomba, tomba, tomba !

Chanson écrite pars Lluís Llach en 1968 sous la dictature du Général Franco.

S’inspirant d’une conversation avec « grand-père » Siset, Ancien Franquiste, ouvre alors les yeux sur le régime oppressif suite à ses paroles.

Aujourd’hui cette chanson est une incontournable de la culture populaire Catalane, prônant la lutte contre l’oppression, la liberté et l’unité.


La chanson « L’Estaca » est née dans un contexte politique très particulier : l’Espagne vivait alors sous la dictature franquiste, régime autoritaire mis en place à la suite de la guerre civile espagnole (1936-1939). Pour comprendre la portée de cette chanson, il est essentiel de replacer sa création dans le cadre historique, social et politique de l’Espagne franquiste et plus précisément de la Catalogne, qui fut l’une des régions les plus durement touchées par la répression.

Après la victoire des nationalistes dirigés par le général Francisco Franco en 1939, l’Espagne entre dans une longue période de dictature qui durera jusqu’à la mort de Franco en 1975. Ce régime se caractérise par :

Franco imposa une vision uniforme de l’Espagne, niant les identités régionales comme celles de la Catalogne, du Pays Basque ou de la Galice.

La Catalogne fut l’un des derniers bastions républicains à tomber durant la guerre civile. Cette fidélité au camp républicain lui valut une répression particulièrement sévère sous Franco.

Le catalan fut interdit dans les écoles, les institutions, les publications, les médias et même dans l’espace public. Seul le castillan (espagnol) était autorisé comme langue officielle. Cette politique linguistique visait à effacer l’identité catalane, perçue comme une menace pour l’unité de l’État espagnol.

Le Statut d’autonomie de la Catalogne (voté en 1932) fut abrogé. Le Parlement catalan et le gouvernement régional (la Generalitat) furent dissous. Toute forme d’autonomie politique ou culturelle fut supprimée.


« L’Estaca » est bien plus qu’un chant contestataire catalan : c’est une allégorie de la liberté.

« L’Estaca » s’inscrit dans la Nova Cançó, un mouvement musical catalan né dans les années 1960, qui visait à réaffirmer l’identité catalane à travers la chanson. Ce mouvement servait à contourner la censure tout en exprimant une opposition voilée au régime franquiste.

  • En Pologne, elle est traduite par Jacek Kaczmarski et devient l’un des chants de la résistance du syndicat Solidarność contre le régime de la république populaire de Pologne.
  • En Tunisie, elle réapparaît durant la Révolution de Jasmin en 2011.
  • En France, on l’a chantée dans des manifestations pour les droits sociaux, notamment dans les Pyrénées Orientales en Catalogne Française, ou elle est une chanson populaire importante.
  • En RusseSteny (Стены, Les murs, 2012) interprétée par le groupe Arkadiy Kots lors de rassemblements anti-Poutine, a connu un succès retentissant suite de l’arrestation des membres du groupe.
  • Et en Catalogne, elle est encore entonnée lors des mobilisations pour l’indépendance ou les droits culturels.

Dans ce contexte de répression identitaire et politique Lluís Llach, jeune chanteur de Gérone, écrit L’Estaca. À première vue, la chanson semble évoquer un simple obstacle :

Mais rapidement, l’image de « l’estaca » — le pieu auquel on est attaché — se dévoile comme une métaphore politique puissante : c’est un poteau, un pieu, auquel on est attaché de force, empêché de bouger.
Elle incarne tout ce qui entrave la liberté : la dictature, la censure, la peur, le silence imposé. Le fait que « A on estem lligats ? » (Ou nous sommes tous attachés) indique une oppression collective.

Cette phrase est le refrain de la chanson et son cœur idéologique. Lluís Llach affirme que la libération est possible, mais seulement à travers l’unité et la solidarité.
La chanson appelle à l’unité du peuple pour se libérer des chaînes de l’oppression, tout en évitant toute référence explicite à Franco ou à la dictature, ce qui lui permit d’échapper partiellement à la censure.