1er Mai : Haymarket, La Mémoire de la Journée des Travailleurs
❝ Un premier mai sans révolte,
Ce n’est pas un premier mai !❞
Description
Chanson populaire française écrite par un anonyme au alentour de 1890. Les paroles font référence aux mouvements ouvriers révolutionnaire, à Chicago, en 1886.
Une gréve national militant pour la journée de huit heures éclate, suivie d’une répression policière connu sous le nom de massacre de Haymarket.
Aujourd’hui, en commémoration, le 1er Mai est chômé et fêté dans la majorité des pays dans le monde. Elle reste un rendez-vous de lutte et de revendication sociale.
Contexte historique et politique
De la naissance du Premier Mai
À la fin du XIXe siècle, les États-Unis connaissent de profondes mutations économiques et sociales. La révolution industrielle bat son plein : les grandes villes, comme Chicago, deviennent des centres d’une nouvelle économie en pleine expansion.
Mais ce développement spectaculaire s’accompagne d’une exploitation intense de la classe ouvrière. Les conditions de travail sont extrêmement dures :
- Journées de 12 à 16 heures.
- Six à sept jours par semaine.
- Pas de sécurité ni protection sociale.
- Les inégalités de richesse se creusent vertigineusement.
Dans ce contexte, les revendications ouvrières montent en puissance. Une demande centrale émerge : la journée de travail de huit heures.
Ce combat est porté par de nombreux syndicats, mais aussi par des mouvements plus radicaux comme les anarchistes, socialistes et communistes, qui militent pour une transformation profonde de la société capitaliste.
À Chicago, véritable épicentre du mouvement ouvrier, les tensions sont particulièrement vives. La ville est marquée par une forte immigration européenne — notamment allemande — qui importe avec elle les idées socialistes et anarchistes du Vieux Continent.
Les ouvriers s’organisent dans des syndicats comme les Knights of Labor ou la Fédération Américaine du Travail (AFL), et des journaux ouvriers et anarchistes connaissent un essor important.
La grève du 1er mai 1886
En réponse à l’appel national lancé par les organisations ouvrières, le 1er mai 1886 marque une journée historique : plus de 300 000 travailleurs à travers les États-Unis, dont près de 40 000 à Chicago, se mettent en grève pour réclamer la journée de huit heures.
La mobilisation est massive, mais aussi tendue : les industriels et les autorités locales voient dans ces mouvements une menace directe à l’ordre établi. La presse bourgeoise dépeint les grévistes comme des éléments subversifs, parfois assimilés au « danger rouge » anarchiste.
Le massacre de Haymarket
Le 3 mai, une manifestation devant l’usine McCormick à Chicago dégénère :
La police ouvre le feu sur les ouvriers, faisant plusieurs morts.
En réaction, un rassemblement de protestation est organisé le lendemain, le 4 mai 1886, sur la place de Haymarket.
La manifestation, au début pacifique, est interrompue par l’intervention policière. Alors que la police tente de disperser la foule, une bombe est lancée contre ses rangs — l’auteur ne sera jamais identifié.
L’explosion tue plusieurs policiers et en blesse d’autres. En réponse, la police tire dans la foule, faisant un nombre indéterminé de morts et de blessés parmi les manifestants.
Ce drame est utilisé par les autorités pour écraser le mouvement ouvrier. Une violente répression s’abat sur les syndicalistes et anarchistes de Chicago.
Huit militants, sans preuves solides, sont arrêtés et jugés lors d’un procès expéditif et largement considéré comme inéquitable. Ce jour de procès est baptisé par les militants comme journée du « Black Friday ». Quatre d’entre eux sont exécutés par pendaison en 1887, un cinquième se suicide en prison.
Les trois autres sont finalement graciés quelques années plus tard, après une mobilisation internationale dénonçant l’injustice du procès.
Influence et héritage
Le massacre de Haymarket devient un symbole international de la lutte ouvrière et de la répression politique. En 1889, lors du Congrès fondateur de la Deuxième Internationale socialiste à Paris, il est décidé de faire du 1er mai une journée annuelle de revendication pour la journée de huit heures, en mémoire des martyrs de Chicago.
Depuis lors, le Premier Mai est devenu une journée internationale de mobilisation pour les droits des travailleurs, bien au-delà de la revendication des huit heures, symbolisant plus largement la lutte contre l’exploitation et pour l’émancipation sociale.
Il devient rapidement un moment de mobilisation massive, dépassant les clivages nationaux, politiques et même parfois idéologiques. De l‘Europe industrielle aux jeunes républiques d’Amérique Latine, en passant par l’Asie émergente, la journée du 1er mai s’impose comme le rendez-vous annuel des luttes ouvrières.
Le Premier Mai n’échappe pas aux tentatives de récupération politique :
- En 1941, sous le régime de Vichy, le Maréchal Pétain tente en France de transformer le 1er mai en « fête du Travail et de la Concorde Sociale », en gommant son caractère révolutionnaire.
- Dans le bloc soviétique et d’autres régimes socialistes, il devient une parade officielle, parfois plus célébration d’État que mobilisation populaire.
- Aux États-Unis même, le gouvernement choisit en 1958 d’instaurer une « Loyalty Day » (Journée de la Loyauté) le 1er mai, pour contrecarrer les mobilisations ouvrières et communistes.
Malgré ces détournements, l’esprit original du Premier Mai survit : il reste la journée mondiale où les travailleurs rappellent leurs luttes passées, revendiquent leurs droits présents et préparent leurs combats futurs.
Aujourd’hui encore, le 1er mai est un temps fort des mobilisations syndicales, politiques et sociales dans de nombreux pays.
Analyse des paroles
Dès le premier couplet, la chanson donne le ton : la police, surnommée la « flicards » et « roussins », est présentée comme une force brutale et meurtrière, en référence direct avec les évènement de Haymarket. Leur présence massive dans les rues, est intégrée à l’essence même du 1er mai.
« Un premier mai sans flicaille, ce n’est pas un premier mai ! »
La police incarne l‘oppression que les travailleurs doivent affronter pour faire entendre leurs revendications.
Dans le deuxième couplet, elle tourne son regard vers la bourgeoisie. Décrits comme « gras et pansus », les riches sont pointé du doigt pour leur peur face à la mobilisation populaire. L’auteur inverse ici le rapport de force : ce ne sont plus les opprimés qui tremblent, mais les oppresseurs eux-mêmes.
Le refrain martèle à nouveau l’idée forte :
« Un premier mai sans colère, ce n’est pas un premier mai ! »
La colère devient légitime, nécessaire même, pour bousculer l’ordre établi.
Dans le troisième couplet, l’artiste met en garde contre les « grands ténors endormeurs », ces orateurs qui cherchent à calmer la révolte. À ses yeux, céder à ces discours revient à désarmer la lutte. La « haine des affameurs » ne doit pas s’éteindre, car elle est la graine de la révolution :
« Un premier mai sans révolte, ce n’est pas un premier mai ! »
Cette idée rappelle que toute lutte sociale nécessite de maintenir vivante la mémoire des injustices subies.
Le dernier couplet est le plus radical. Il évoque la vengeance que les travailleurs exerceront « quand nous serons les plus forts ». La chanson ne prône pas simplement une réforme, mais la destruction totale du pouvoir bourgeois, symbolisé par ses « coffres-forts ». Le vocabulaire est sans détour : les bourgeois sont traités de « charogne », destinés à être « supprimés ».
Dans un final triomphal, il annonce :
« Nous fêterons sans vergogne, bourgeois, notre premier mai ! »
La fête ne sera possible qu’après la victoire révolutionnaire, débarrassée de toute honte et de toute oppression.
Paroles
Copain ! Regarde les rues !
Les flicards et les roussins
Montrent leur gueule bourrue
De brutes et d’assassins…. Racaille !
Par ça serais-je abîmé ?
Un premier mai sans flicaille, ce n’est pas un premier mai !
Un premier mai sans flicaille, ce n’est pas un premier mai !
Copain! vois malgré la rousse,
Les bourgeois gras et pansus !
Les richards ont eu la frousse,
Dès qu’ils nous ont aperçus…Vipères !
Tremblez devant l’opprimé !
Un premier mai sans colère, ce n’est pas un premier mai !
Un premier mai sans colère, ce n’est pas un premier mai !
Copain ! Gare à la faconde
Des grands ténors endormeurs,
La haine se déféconde,
La haine des affameurs…Récoltes !
Bourgeois ce que tu as semé !
Un premier mai sans révolte, ce n’est pas un premier mai !
Un premier mai sans révolte, ce n’est pas un premier mai !
Copain ! Pense à la vengeance
quand nous serons les plus forts.
Nous détruirons cette engeance
Au pied de ses coffres-forts… Charogne !
Quand nous t’aurons supprimé
Nous fêterons sans vergogne, bourgeois, notre premier mai !
Nous fêterons sans vergogne, bourgeois, notre premier mai !
Pour aller plus loin
Articles :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Haymarket_Square
- https://www.wsws.org/fr/articles/2024/05/09/ydcb-m09.html
- https://www.herodote.net/Tragedies_et_joies_du_1er_Mai-evenement-18860501.php
Documentaires :
- L’HISTOIRE DU 1ER MAI – https://www.youtube.com/watch?v=cGz6cynskok
- 1er mai : d’où vient la tradition et pourquoi cette date ? – https://www.youtube.com/watch?v=UUKhQLU4-HY
- le muguet – Karambolage ARTE – https://www.youtube.com/watch?v=ettAy9UFhDo
Littératures :
« Le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étouffez aujourd’hui »
August Spies – Militant socialiste libertaire américain
Phrase prononcé lors du procès du « Black Friday », avant d’être exécuter, en 1887.

