Le chant des Partisans : L’Appel à la France Résistante et Populaire
❝ Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes❞
Description
Hymne de la Résistance française, écrit en 1943 par Joseph Kessel et Maurice Druon sur une musique d’Anna Marly. Symbole de lutte contre l’occupation nazie et le régime Vichyste en France, il appelait les résistants à se lever pour la liberté. Ce chant incarne la révolte contre l’oppression, la solidarité et le courage face à la tyrannie. Aujourd’hui encore, il résonne lors de commémorations ou mouvements révolutionnaires modernes, rappelant que la résistance et la quête de justice restent des combats d’actualité à travers le monde.
Contexte historique et politique
Une France occupée et divisée
En juin 1940, la France est vaincue par l’Allemagne nazie.
L’armistice du 22 juin divise le pays en deux zones. La zone nord est occupée. La zone sud est contrôlée par le gouvernement de Vichy dirigé par le maréchal Philippe Pétain. Vichy instaure un régime autoritaire, antisémite, nationaliste et anti-républicain, marqué par une politique de collaboration active avec l’Allemagne.
La devise « Travail, Famille, Patrie » remplace « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Les partis politiques sont dissous, les syndicats supprimés, la presse muselée.
Ce régime autoritaire, conservateur et collaborationniste, supprime les libertés fondamentales.
Il persécute les juifs, les tziganes, les personnes atteintes de troubles mentaux, les communistes, et les anarchistes.
Il engage une politique de répression contre toute opposition.
Dans ce contexte naît la Résistance. C’est un mouvement pluriel et clandestin.
Il est composé de citoyens qui refusent la défaite, la soumission et la perte de souveraineté nationale. Ses membres sont d’origines sociales et politiques diverses. Cependant, une grande partie d’entre eux vient des milieux de gauche, notamment des socialistes, syndicalistes, radicaux, et surtout communistes.
Origine du « Chant des Partisans »
Le chant est composé en 1943 à Londres, alors que le général de Gaulle organise la France libre.
La mélodie, sombre et martiale, est d’abord écrite par Anna Marly, une musicienne russe exilée. Elle avait déjà composé des chansons pour les partisans soviétiques. Elle fredonne cette musique dans les studios de la BBC, là, elle attire l’attention de deux écrivains français réfugiés à Londres : Joseph Kessel et Maurice Druon.
Ces deux hommes sont engagés dans les Forces françaises libres. Ils écrivent alors les paroles françaises du chant. Celui-ci devient rapidement l’hymne de la Résistance armée intérieure. Diffusé clandestinement sur les ondes de la BBC, il sert de signal de ralliement. Il est aussi une source de courage dans les maquis et les réseaux clandestins.
L’influence des courants socialistes et communistes dans la Résistance
La Résistance n’est pas apolitique. De nombreux réseaux sont directement issus de la gauche. Le Parti Communiste Français est d’abord en retrait en 1939 à cause du pacte germano-soviétique. Il entre activement dans la lutte après l’invasion de l’URSS par Hitler en 1941.
Il organise les Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Ces groupes jouent un rôle clé dans les actions armées, les sabotages, et les soulèvements locaux. En Parallèle, la division des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) contera quand à elle le plus de résistant actif, avec dans ses rangs des juifs immigrés, des Italiens ayant fuient le régime de Mussolini et seront directement visé par le régime de répression Vichyste.
Ces résistants ne se battent pas seulement pour chasser l’envahisseur, mais pour un idéal, une France nouvelle. Une France plus égalitaire, plus sociale, débarrassée des élites collaborationnistes.
Le Conseil National de la Résistance (CNR) a été créé en 1943 à l’initiative de Jean Moulin. Il rassemble toutes les sensibilités de la Résistance. Cela inclut les partis de gauche et les syndicats. Le programme du CNR, rédigé en 1944, contient les bases de l’État-providence :
- Sécurité sociale
- Nationalisation des secteurs clés (banque, transport, industrie…)
- Droit au travail, liberté syndicale, éducation publique renforcée
- Démocratie renforcée
« Le Chant des Partisans » devient ainsi le reflet sonore d’un projet de société révolutionnaire porté par des hommes et des femmes animés d’une profonde foi politique, souvent socialiste ou communiste.
Influence et héritage
Après la Libération, Le Chant des Partisans est largement reconnu :
Il est joué lors de cérémonies officielles, enseigné dans les écoles, et gravé dans la mémoire collective. Pourtant, son sens politique est souvent occulté.
L’aspect révolutionnaire et social de la Résistance est parfois effacé au profit d’un récit plus consensuel et purement patriotique.
Le PCF, mais aussi les socialistes (SFIO, puis PS) et les syndicats comme la CGT, se revendiquent fortement de cette mémoire. Ils s’approprient le chant comme symbole de la lutte des classes et de l’engagement contre l’exploitation et l’injustice.
Il devient un marqueur dans les discours, les rassemblements, et même lors de funérailles de grandes figures de la Résistance.
Depuis les années 1950 jusqu’à nos jours, Le Chant des Partisans a été repris dans différents contextes de mobilisation sociale :
- Grèves ouvrières (notamment en 1968 ou dans les années 1980) : on le chante dans les cortèges pour rappeler que la lutte n’est jamais finie.
- Mouvements antifascistes et antiracistes : il est mobilisé face à la montée de l’extrême droite, comme un rempart moral contre les idéologies d’exclusion.
- Manifestations contre les politiques antisociales : certains syndicats le reprennent pour faire le lien entre le combat des résistants et les luttes actuelles pour les droits sociaux.
Dans ces usages, le chant est toujours porteur d’un message politique radical, tourné vers la justice sociale, la résistance à l’oppression, et la mémoire active.
Analyse des paroles
Les paroles du Chant des Partisans ne sont pas de simples slogans. Leur force vient de leur simplicité, de leur rythme sec, de leur symbolisme clair. L’idée que l’on peut se lever, que l’on peut changer le cours des choses, que l’on peut vaincre l’injustice.
Loin d’un patriotisme aveugle, ce chant porte un message politique fort : celui d’un peuple qui refuse l’asservissement, d’une classe ouvrière qui se lève, d’une jeunesse qui s’engage.
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? »
Dès le premier vers, le ton est donné. Le vol noir des corbeaux symbolise la mort, la peur et la présence nazie.
L’interpellation directe « ami » crée une proximité : ce chant ne s’adresse pas aux soldats d’une armée, mais aux anonymes, aux civils, aux opprimés. Il les appelle à ouvrir les yeux, à écouter, à refuser la passivité, à devenir acteurs d’un combat vital.
« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes »
L’alarme résonne peu après dans « Ohé partisans, ouvriers et paysans ». Ce vers est fondamental. Il ancre la chanson dans le réel : ce sont les classes populaires, les travailleurs, les paysans qui sont appelés à résister.
C’est toute la France laborieuse qui est convoquée, dans une veine clairement inspirée par les idéaux socialistes et communistes de l’époque. Le chant se fait ici instrument de mobilisation de masse, dans une perspective sociale : la lutte contre le fascisme est aussi une lutte des opprimés contre les puissants.
« C’est nous qui brisons les barreaux des prisons, pour nos frères »
L’image est à la fois concrète — on pense aux résistants libérant des camarades arrêtés — et symbolique : c’est l’affirmation de la solidarité comme moteur de l’action.
La prison devient le symbole de toutes les oppressions : politiques, sociales, idéologiques.
« Si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place »
Ce vers résume la philosophie de la Résistance. Il affirme que le combat ne dépend pas d’un seul homme : il est porté par une chaîne humaine, une continuité fraternelle. Cette vision de la lutte comme un mouvement collectif, commun, est profondément enracinée dans les idéaux progressistes de l’époque.
« Dans la Résistance, la France reconnaissait ce qu’elle aurait voulu être, plus que ce qu’elle avait été. »
André Malraux – Antimémoires (1967)

